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Chantnoisette
5 avril 2008

Mars 1969

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Mars 1969.
Un homme décide qu'il est temps de faire autre chose, de donner une vie meilleure à sa femme, à son fils, et à son futur bébé qui doit arriver en août.

Revenu depuis peu de guerre en Angola et Mozambique la vie est trop difficile, peu de travail, pas de liberté, une vie où il est difficile de se nourrir, de s'habiller décemment reste d'une enfance pauvre chez ses grands parents, des jours entiers à marcher pied nus...Sa femme parti travailler loin de sa famille dès l'âge de 7ans à la capitale sans même savoir lire ni écrire...
L'envie lorsqu'il voit partir ses amis, sa famille vers le rêve d'une vie meilleure.

Après avoir emprunté un peu (beaucoup) d'argent.Il part vers un nouveau monde, laissant quelques photos de lui, celles de l'époque où il était soldat, celles où il avait adopter un singe, celles où il était pompier, celles où des souvenirs douloureux laissent une plaie ouverte pour toute une vie.En laissant sa femme inquiète, son fils de 3 ans qui le connait à peine et un bébé qu'il ne connait pas...

Suivant un de ses beaux frères, des hommes de son village, il part  vers l'Espagne, puis la France  passant les frontières à prix d'or...Surtout ne pas regarder en arrière, surtout ne pas parler pour garder le courage  et l'espoir...

Arrivé dans le centre de la France, au point de rendez vous donné par quelqu'un qui était déjà installé depuis quelques mois, qui lui avait déjà trouvé du travail sur place  il voit partir son beau frère encore plus loin, encore plus vers le nord.
Il prit ses marques, son  "logement " de travail (une maisonnette en bois à peine chauffée) essayant de comprendre cette langue qu'il ne connaissait pas...Envoyant la quasi totalité de son salaire à sa femme pour les aider à vivre et surtout pour rembourser ses dettes car c'était LA priorité...

Quelques moi plus tard, la décision était prise sa femme allait les rejoindre avec ses enfants, car le petit bébé était arrivé, une petite fille née au mois d'août.Les papiers étaient déjà prêt pour l'arrivée en France, mais il fallait d'abord passer la frontière Espagnole illégalement.
Alors cette femme pris tout ce qu'elle pouvait de leur vie là bas dans une grande malle en fer verte, confia à son petit garçon une petite valise avec ses affaires enveloppa sa fille dans une couverture et prit le train pour rejoindre son homme.
Arrivé en Espagne il fallut changer de train, sa fille dans les bras, son garçon derrière elle en lui disant "chut ne parle pas pas, caches toi derrière moi..."Se voyage elle le fit seule avec ses enfants, la peur au ventre, et se posant sans cesse la même question: "est ce que tout ceci est bien utile?"

Ce couple s'est arraché à sa terre natale,ils sont partis à 1600 km de leur famille, ils ont laissé leur amis, leurs terres, ont tourné le dos à cette vie si difficile, ont du affronter le froid des hivers français apprendre à parler une langue pas si lointaine de la leur mais si difficile à apprendre...
Ils ont touché leur rêve du bout des doigts, ont donné vie à une dernière petite fille en 1973 dans un pays qui n'était pas le leur.Ils ont envoyé leurs enfants à l'école car c'était ça aussi leur rêve, pour leurs 3 enfants ils voulaient une vie meilleure.Ils ont vécu à distance en avril 1975, le 25, la révolution des œillets et la chute de la dictature.

En retournant les étés là bas ont vu leur pays évoluer, leur famille s'agrandir, essayant de transmettre à leurs enfants un peu de leurs racines en ayant toujours ce vague à l'âme qu'on appelle là bas Saudade...

Puis les enfants ont grandit, ont eu à leur tour des enfants et en Juin 1999, 30 ans plus tard, ont fait le choix de repartir vers leur pays. Plus vraiment portugais, pas vraiment français...

Le petit garçon qui a passé la frontière avec sa petite valise, à aujourd'hui 41 ans il se souvient des mots de sa mère en passant la frontière espagnole, l'angoisse qu'il avait ressenti à ces moments et en parle encore avec beaucoup d'émotions dans les yeux et dans la voix...

Cette histoire je l'ai vraiment entendu de bout en bout au mois de janvier. Cette histoire est celle de mes parents, de ma famille...Des milliers de personnes ont vécu plus ou moins la même chose, certaine même très médiatisé...Mais c'est de celle ci dont je veux me souvenir, c'est aussi MON histoire, celle que je raconterais à mes enfants quand ils auront envie de connaitre leurs origines à moitié portugaise...Qu'ils comprennent que leurs grands parents ont eu le courage de toucher leur rêve...
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Cette valise est celle que portait le petit garçon, elle est aujourd'hui chez moi pleine de souvenirs de leur vie en France...

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Commentaires
F
Pour faire dans le tragi-comique:<br /> <br /> Orléans, Aout 70: J'étais à peine descendu du train avec cette valise à la main que je me suis étalé sur le quai!<br /> Ma première engueulade en France!<br /> <br /> J'ai toujours des flashs de ce "voyage":<br /> -Planqués dans une pièce sombre avec vue plongeante sur les rails et une vieille loco à vapeur fuamnte arrêtée en gare. J'entend encore ma mère me dire de me cacher.<br /> <br /> -Une fatigue lancinante sous les néons blafards du train et ma mère qui essyait de calmer ma petite soeur qui avait faim (ou soif)<br /> <br /> - Chateauneuf 70: Je me suis brulé un pied en tournant le robinet d'eau chaude, je ne savais plus dans quel sens je l'avais ouvert. <br /> Deuxième engueulade en France!<br /> <br /> - Ecole maternelle, Chateauneuf sur loire: J'ai vu le premier train electrique de ma vie. Je souhaitais partager ma joie avec les autres gamins, pas de pot ils ne comprenaient rien à mon baratin, ben ouais ils ne parlaient pas portugais!?? He ho ch'ui où là??<br /> <br /> Ecole maternelle Fay aux loges: Ma première chanson apprise et comprise "Ouvrez la cage aux oiseaux" de Pierre Perret, je n'ai jamais aimé voir des oiseaux (ou autres animaux) en cage.<br /> <br /> Mai 2008: En rentrant de chez des amis le soir j'entends dans la nuit "Ha c'est l'autre portugais qui habite au bout du village" sur un ton pas très affectueux.<br /> Mes mains sont restée dans mes poches mais elles revaient d'en sortir pour se dégourdir sur la face du clone de noeunoeuil! Au bout de 38 ans ici, ce genre de remarques finit par peser lourd...<br /> <br /> <br /> Sinon à part ça? Ben ça va...
A
Tres beau et emouvant.
J
Un bel hommage à ta famille, très touchant!
F
Merci...
Z
joli post!! tu peux être fière. Sniffff
Chantnoisette
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